Il faut interpréter le jeûne comme une tentative de dépollution, d’allégement. Ce désir de se débarrasser du superflu est quelque chose qui résonne, comme un écho inversé, au sein de notre société d’abondance. Face à tout ce trop (de nourriture, d’objets, de pression, d’écrans, de sollicitations), nos contemporains sentent que l’excès nuit à la santé physique, mais aussi intérieure. D’où ce retour vers des pratiques de frugalité et de sobriété.

Avant d’entreprendre un jeûne, la question à se poser est la suivante : où ai-je à gagner en disponibilité intérieure ? De quoi suis-je le plus captif ? De quoi ai-je à me rendre sobre ? Dès lors, on peut jeûner de nourriture, donc, mais si ce n’est pas la nourriture qui nous tient, on peut se sevrer d’écrans ; d’achats, s’ils sont compulsifs ; d’activités en tout genre, puisque nous sommes dans une société du « bougisme », où il faut sans cesse multiplier les activités et les projets. On peut aussi se sevrer de SMS ou de travail. Bien des actifs devraient être interpellés : pourquoi ce besoin d’ouvrir sa boîte mail pro et répondre à des messages à 22h30 le soir ?

Le jeûne est bon pour le corps, mais aussi pour l’âme. Le moins peut nourrir, car jeûner libère du temps pour potentiellement autre chose : ses amis, la prière, l’Evangile. Il est la question du temps au sens chronologique du terme. Mais dans la tradition chrétienne, jeûner, c’est surtout gagner du temps intérieur. Libérer son esprit pour gagner en disponibilité, afin que notre désir principal soit tourné vers celui qui en vaut la peine : le Seigneur.

Jeûner c’est une modération. Et un cadeau que l’on se fait. La tradition chrétienne a longtemps infantilisé et moralisé le jeûne, le faisant passer, dans les esprits pour un acte doloriste. Ca ne peut plus fonctionner aujourd’hui. On ne jeûne pas pour maitriser son corps, on ne jeûne pas par jansénisme. On jeûne au contraire pour se faire du bien. Je ne dis pas que c’est facile : moi je vous parle de jeûne de façon positive, comme une dépollution. Mais jeûner peut être vécu comme un manque.

D’autant que notre époque fait tout pour nous rendre avide et créer de la frustration pour ensuite mieux donner les moyens de la combler. On pense créer du plaisir, on crée de la quasi-dépendance. Traverser cette frustration c’est gagner en liberté ! On abandonne des choses, certes, mais pour en gagner de plus belles encore.

Jean-Guilhem Xerri, psychanaliste

Le pôle BEL propose une semaine de Jeûne pendant le carême du 8 au14 mars :
Une semaine pour se recentrer sur l’essentiel.

Renseignements et inscriptions auprès des secrétariats.