Une manière originale, sous forme de lettre, de présenter la démarche oecuménique en comparant les relations familiales aux relations entre les Eglises chrétiennes.

Chers Stéphanie et Nicolas,

Votre charmante invitation à dîner ensemble ce soir est annulée à cause du couvre-feu : il était prévu que nous parlions d’œcuménisme : Pourquoi être œcuménique ? A quoi ça sert, quand on est si bien dans notre Église catholique romaine ? Notre Église n’est-elle pas universelle, et sise jusqu’au bout du monde ? La seule qui sauve ? Permettez-moi de démarrer cette discussion par ce courrier, discussion que j’espère nous aurons l’occasion de poursuivre dès que les conditions sanitaires la permettront.

L’importance de l’œcuménisme, ou si vous préférez de l’unité des Églises chrétiennes, repose, pour moi, sur deux paroles du Christ dans les Évangiles (Jean 17,21 et Luc 8, 21).

D’une Eglise du Christ aux Eglises chrétiennes

Que tous soient un Jean 17,21

Jésus n’a pas fondé d’Églises particulières avec des traditions et des rites tels que nous les connaissons. Mais Jésus s’est lié à l’humanité en faisant des chrétiens les membres de son Corps qui est ainsi l’unique Église du Christ. Ses disciples ont prêché la Bonne Nouvelle, et ont fondé des communautés dans les lieux qu’ils ont évangélisés : elles sont devenues l’Église du Christ, Église qui était une pendant mille ans avant la rupture entre l’Est et l’Ouest, puis au XVIème siècles entre l’Église Catholique Romaine et les mouvements de la Réforme.

Ces ruptures ont engendré l’ignorance de l’autre, la haine et la méfiance des uns vis-à-vis des autres, culminant en des guerres, des persécutions, des anathèmes, chacun se justifiant comme la seule et vraie Église de Dieu.

Depuis le début du XXème siècle, il y a eu une prise de conscience que ce comportement était contraire à la volonté de Dieu. Le résultat est que les Églises Protestantes et Orthodoxes, et depuis Vatican II, l’Église Catholique, ont décidé d’entreprendre des démarches de réconciliation et de chercher des chemins vers une unité visible.

L’unité cherchée n’est pas une uniformité

C’est une unité à l’image de la Trinité, où chacun est soi, mais uni dans une totale communion et dans le respect de l’identité de l’autre. Vaste projet après des siècles d’ignorance, de mépris et même de haine ! Vous comprenez que le chemin est long et douloureux, qu’il n’est possible qu’à travers une écoute fine et patiente de l’Esprit Saint.

Un véritable chemin a été fait. Aujourd’hui, nous reconnaissons tous le baptême de l’eau au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit. Un chrétien qui change d’Église n’est pas baptisé à nouveau. Il est reconnu enfant de Dieu entrant dans une autre Église chrétienne.

Théologiquement, des dialogues entre Églises se tiennent sur les sujets qui divisent encore ; des reconnaissances des unes et des autres sont établies, (par exemple un document sur la justification a été signé entre l’Église Catholique et les Églises Luthérienne, Anglicanes et Réformées), des divisions restent encore, mais la bonne volonté de trouver des chemins d’unité est présente, ainsi que la vertu de la patience et de la persévérance.

Tous membres d’une même famille

Ma mère et mes frères sont ceux qui écoutent la parole de Dieu et la mettent en pratique Luc 8,21

Ce verset signifie que tout baptisé, de n’importe quelle Église chrétienne devient frère et soeur de Jésus et ainsi un membre de ma famille.

Vous mes amis, dont les enfants vivent à l’étranger, vous allez souvent leur rendre visite pour voir comment ils vivent, pour raviver en eux les valeurs transmises, pour garder des ponts entre la culture française et la culture américaine et asiatique dans lesquelles ils vivent. Vous savez que si vos enfants ne transmettent pas à leurs enfants la culture française, il ne faudrait qu’une ou deux générations pour que ces enfants deviennent des étrangers pour leurs cousins français.

Il en a été de même pour les familles Églises à travers les siècles. Nos divisions ont fait de nous des étrangers les uns aux autres. Les cousinages se sont tellement éloignés que nous avons aujourd’hui un peu de mal à nous reconnaître de la même famille, parlant des langues que nous ne comprenons pas, avec des liturgies et des coutumes spirituelles qui ne nous sont étrangères.

Vers une connaissance mutuelle

Si nous croyons que nous sommes tous enfants de Dieu et de la famille du Christ, qui lui est la tête de son corps et nous les membres de ce corps, nous ne pouvons pas continuer à nous ignorer, à faire comme si ces membres de la famille n’existaient pas. Nous avons à découvrir les autres manières de penser Dieu, de Le célébrer, de Le vivre. Chaque Église a ses propres richesses, dons de l’Esprit Saint. En les découvrant, ils nous aideront à grandir dans notre propre foi et dans notre relation à Dieu. Nous découvrirons aussi de nouvelles souffrances, en particulier la souffrance de ne pas pouvoir célébrer ensemble comme un seul peuple. Cette souffrance peut devenir pour nous une aiguillon, nous incitant à prier davantage pour qu’un jour nous soyons vraiment une seule famille.

Il me semble que le premier pas que nous ferions vers un membre méconnu de notre famille serait de comprendre d’où il vient dans l’histoire de notre famille, connaître la raison de son éloignement…. puis essayer de voir tout ce qu’il a construit depuis ce départ, peut-être sur plusieurs générations. Ainsi, quand le temps sera mûr, nous pourrons le rencontrer, parler avec lui en connaissance de cause, éviter au ce qui pourrait le choquer, le blesser, afin d’établir une relation fraternelle avec lui.

Ainsi pour nos Églises. Essayons d’en savoir un peu plus sur chacune d’elles, puis allons à leur rencontre, à travers un groupe œcuménique de notre secteur, en allant à la prière annuelle pour l’unité des Églises qui a lieu chaque année entre le 18 et le 25 janvier, en s’inscrivant à des parcours œcuméniques dans les diocèses, dans les Facultés Catholiques, Protestantes ou Orthodoxes qui les proposent, etc. Nos curés sont là pour nous aider à trouver des façons simples et fructueuses d’entamer ce chemin.

Voilà quelques pistes de réflexions. Je suis sûre que nous continuerons à creuser cette question quand nous pourrons nous revoir, et trouver de nouvelles façons d’être chrétiens tous ensemble.

Bien fraternellement dans le Christ,

Diane de La Vallée Poussin

Service diocésain de Versailles pour l’unité des Chrétiens