Chers frères et sœurs du diocèse de Nanterre,

Le Pape Emérite Benoît XVI s’est endormi dans la paix du Seigneur, « rassasié de jours » (Job 42, 17). Nous accompagnons son grand passage vers la lumière éternelle de Dieu notre Père dans l’action de grâce et la prière.

Comment oublier, au milieu de tant de souvenirs, la Messe présidée par Benoît XVI sur l’esplanade des Invalides le 13 septembre 2008, au cours de son voyage apostolique en France à l’occasion des 150 ans des apparitions de la Vierge Marie à Lourdes ? Célébrant la mémoire de saint Jean Chrysostome, le Pape théologien avait mis en lumière, avec sa force et sa douceur habituelles, l’indépassable conjonction entre l’adoration de Dieu et le service des pauvres.

Les écrits de Benoît XVI constituent un trésor dont nous n’avons pas fini de profiter. Je pense à ses encycliques sur l’amour, l’espérance et la foi (achevée par son successeur), à ses exhortations apostoliques sur la parole de Dieu et sur l’eucharistie, à ses trois volumes sur Jésus de Nazareth. Je n’oublie pas son dialogue vif, bienveillantet constructif avec le grand philosophe agnostique Jürgen Habermas, emblématique de tous les dialogues que nous avons à mener aujourd’hui et demain pour proposer à nos contemporains les lumières de l’Evangile.

J’invite toutes les paroisses du diocèse à favoriser votre participation à la Messe de jeudi prochain en communion avec la célébration que présidera le Pape François à Rome. Que la vie et l’enseignement de Benoît XVI nous aident à être, conformément à sa devise, des « coopérateurs de la vérité » (3 Jean 1, 8) qui, ultimement, resplendit sur le visage de Jésus-Christ.

En communion de prière, dans la lumière de Noël.

+ Matthieu Rougé
Evêque de Nanterre

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Testament spirituel de Benoît XVI
La salle de presse du Vatican a rendu public, samedi 31 décembre 2022, jour du décès du pape émérite Benoît XVI, son testament spirituel rédigé le 29 août 2006.

Si, à cette heure tardive de ma vie, je jette un regard sur les décennies que j’ai parcourues, je vois d’abord combien de raisons j’ai de rendre grâce. Tout d’abord, je remercie Dieu lui-même, le donateur de tout bon cadeau, qui m’a donné la vie et m’a guidé à travers divers moments de confusion, me relevant toujours quand je commençais à glisser et me redonnant toujours la lumière de son visage. Avec le recul, je vois et je comprends que même les parties sombres et fatigantes de ce voyage étaient pour mon salut et que c’est en elles qu’Il m’a bien guidé.

Je remercie mes parents, qui m’ont donné la vie dans une période difficile et qui, au prix de grands sacrifices, m’ont préparé avec leur amour un magnifique foyer qui, comme une lumière vive, illumine tous mes jours jusqu’à aujourd’hui. La foi lucide de mon père nous a appris à croire, nous ses enfants, et elle a toujours tenu bon au milieu de toutes mes réalisations scientifiques; la profonde dévotion et la grande bonté de ma mère sont un héritage pour lequel je ne saurais la remercier suffisamment. Ma sœur m’a assisté pendant des décennies de manière désintéressée et avec une attention affectueuse; mon frère, avec la lucidité de ses jugements, sa résolution vigoureuse et la sérénité de son cœur, m’a toujours ouvert la voie; sans sa constance qui me précède et m’accompagne, je n’aurais pas pu trouver le bon chemin.

Du fond du cœur, je remercie Dieu pour les nombreux amis, hommes et femmes, qu’il a toujours placés à mes côtés; pour les collaborateurs à toutes les étapes de mon parcours; pour les enseignants et les étudiants qu’il m’a donnés. Je les confie avec gratitude à sa bonté. Et je veux remercier le Seigneur pour ma belle patrie dans les Préalpes bavaroises, dans laquelle j’ai toujours vu briller la splendeur du Créateur lui-même. Je remercie les gens de ma patrie, car c’est en eux que j’ai expérimenté, encore et encore, la beauté de la foi. Je prie pour que notre terre reste une terre de foi et je vous en prie, chers compatriotes: ne vous laissez pas détourner de la foi. Et enfin, je remercie Dieu pour toute la beauté que j’ai pu expérimenter à chaque étape de mon chemin, mais surtout à Rome et en Italie, qui est devenue ma deuxième maison.

À tous ceux que j’ai lésés d’une manière ou d’une autre, je demande pardon de tout mon cœur.

Ce que j’ai dit auparavant à mes compatriotes, je le dis maintenant à tous ceux qui, dans l’Église, ont été affectés à mon service: restez fermes dans la foi! Ne vous laissez pas troubler! Il semble souvent que la science – les sciences naturelles d’une part et la recherche historique (en particulier l’exégèse des Saintes Écritures) d’autre part – soient capables d’offrir des résultats irréfutables en contraste avec la foi catholique. J’ai vécu les transformations des sciences naturelles depuis longtemps et j’ai pu voir comment, au contraire, des certitudes apparentes contre la foi se sont évanouies, se révélant être non pas des sciences, mais des interprétations philosophiques ne relevant qu’en apparence de la science; tout comme, d’autre part, c’est dans le dialogue avec les sciences naturelles que la foi aussi a appris à mieux comprendre la limite de la portée de ses revendications, et donc sa spécificité. Depuis soixante ans, j’accompagne le chemin de la théologie, en particulier des sciences bibliques, et avec la succession des différentes générations, j’ai vu s’effondrer des thèses qui semblaient inébranlables, se révélant de simples hypothèses: la génération libérale (Harnack, Jülicher etc.), la génération existentialiste (Bultmann etc.), la génération marxiste. J’ai vu et je vois comment, à partir de l’enchevêtrement des hypothèses, le caractère raisonnable de la foi a émergé et émerge encore. Jésus-Christ est vraiment le chemin, la vérité et la vie – et l’Église, avec toutes ses insuffisances, est vraiment son corps.

Enfin, je demande humblement: priez pour moi, afin que le Seigneur, malgré tous mes péchés et mes insuffisances, me reçoive dans les demeures éternelles. De tout cœur, ma prière va à tous ceux qui, jour après jour, me sont confiés.

Benedictus PP XVI